J’ai été expulsée à 16 heures
Quelques jours avant le début de la trêve hivernale, Mme Y. se voit expulsée de son logement. Une date et un horaire qu'elle n'oubliera jamais...
Cela fait cinq jours qu’elle est installée à l’hôtel, tout près de la porte de Montreuil. Un petit lavabo, un lit et une armoire. Chambre 22, avec toilettes à l’étage.
« Le gérant est très gentil et discret. Pour aller me doucher, je suis obligée de descendre au rez-de-chaussée et de passer devant la salle du café. Je n’ai pas vraiment l’habitude. Tout est différent et j’ai du mal à réaliser où j’en suis. Où je suis. »
Au milieu de ses 5 valises étalées par terre, Mme Y a l’impression d’être en voyage. « Je n’ai plus d’adresse ; personne ne sait que j’ai été expulsée et je ne connais personne dans ce quartier. J’ai l’impression de vivre ailleurs…. Je suis une grande fumeuse et je ne peux plus fumer dans ma chambre. Je ne peux plus me faire un café. Je n’ai plus aucun meuble. Je ne sais pas combien de temps je tiendrai comme ça. »
Mercredi 25 octobre, Mme Y a été expulsée à 16 heures. Une date et un horaire qu’elle n’oubliera jamais. « Pourtant, ils ont été très discrets et respectueux. Mais quand vous ouvrez la porte et que vous vous trouvez devant le commissaire, l’huissier et le serrurier, c’est terrible.
Depuis plusieurs jours, je ne dormais plus. J’avais trop peur de l’expulsion. Ce que je redoutais le plus, c’est que ma fille, âgée de 25 ans, assiste à ça. Heureusement, elle était en cours. Pour le moment, elle est hébergée chez son copain, mais j’ai honte de ne pas pouvoir lui donner un toit.
Cela fait bien longtemps que je ne fais plus 3 repas par jour. Maintenant que je suis à l’hôtel, cela ne va pas changer, au contraire. Je ne bois pas, je ne sors pas, je ne fais rien. Je suis au chômage et j’arrive en fin de droits. Je recherche du travail, j’ai encore espoir de connaître des jours meilleurs. Mais ce n’est pas la vie que je pensais avoir… il y a encore quelques années, je vivais comme tout le monde et n’aurais jamais imaginé en arriver là. »
« J’étais heureuse et tout a basculé »
« Dans ma vie d’avant, j’avais un mari. Nous étions pleinement heureux et ma fille était ce que j’avais de plus précieux. Nous vivions dans un appartement dans le Ve arrondissement de Paris. Nous avions tous les deux de bonne situation professionnelle. Tout a basculé en décembre 2012. »
Après la disparition brutale de son mari, Mme Y. extrêmement choquée, perd son emploi et perd tout simplement pied. « J’étais sous le choc et ne me suis rendue compte de rien. J’ai réussi à payer les dettes de mon mari, mais il ne m’est rien resté. Ma fille est partie à l’étranger pour ses études et peu à peu, je me suis retrouvée seule, sans ami, sans famille, sans soutien. J’ai très vite commencé à ne plus pouvoir payer mon loyer après mon licenciement. J’ai bien sûr fait une demande de logement social dès 2014. »
« J’ai pensé à l’abbé Pierre »
En détresse, Mme Y. entend parler de l’Espace Solidarité Habitat qui l’aide à monter un dossier de surendettement pour apurer sa dette de loyer. Mais surtout, elle entame une démarche pour être reconnue prioritaire Dalo, ce qu’elle obtient.
« Ce droit qui m’a été reconnu, c’est ce qui me fait tenir aujourd’hui. C’est l’ESH qui m’a permis de reprendre confiance et de me battre. Cela m’a rendue ma dignité en partie et ça me donne le courage de tenir. Je ne sais pas ce que je vais devenir, je ne sais même pas ce qui va m’arriver à partir du 8 novembre. Mais je tiens grâce au Droit au logement opposable. »
Lorsqu’elle a été expulsée, Mme Y. s’est vue remettre un papier sur lequel l’adresse de l’hôtel était indiquée, ainsi que le nombre de nuitées payées à l’avance. Après, elle ne sait rien. Où ira-t-elle ? Restera-t-elle dans cet l’hôtel ? « Je ne sais même pas si je garde la même assistante sociale, vu que je ne suis plus dans le même quartier… Je ne sais rien et je n’ai aucune perspective. Je me force à ne pas pleurer et à ne pas penser. Je me sens à la dérive. »
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